Les freelances n’appartiennent pas à la couche flexible !
Ne laissez jamais passer une occasion, c’est ce que nous enseigne la sagesse économique. L’onde de choc du COVID-19 qui frappe les entreprises et notre marché de l’emploi depuis ces dernières semaines a clairement démontré que, notamment, notre vision de la collaboration avec les freelances et le cadre législatif qui les régit sont dépassés. Un thème qu’il faudra sérieusement aborder dans l’immédiat post-coronavirus !
Comment définir le problème ?
Disons que vous employez 100 personnes : 70 sont salariés et 30 sont des freelances. Aux Pays-Bas, si à cause de la crise du coronavirus, il y a 30 % de travail en moins, les entreprises ont le loisir de réduire le travail de chacun des travailleurs occupés de 30 %. L’employeur peut dès lors faire appel à un fonds spécial afin de solliciter une allocation permettant d’intervenir dans les coûts salariaux de son personnel fixe. La seule condition est qu’il n’y ait pas de licenciements secs. Il n’y a pas d’obligation de d’abord se séparer des freelances.
En Belgique, il est interdit aux entreprises de faire appel à des freelances lorsque les travailleurs salariés occupant la même fonction sont en chômage temporaire pour raisons économiques. L’entreprise doit donc légalement rompre le contrat avec ses freelances qui effectuent les mêmes tâches que certains de ses travailleurs fixes, même s’il existe une autre solution. Pas facile à avaler pour les freelances bien sûr, qui se retrouvent démunis de leur mission et de leur revenu. Lorsque l’économie reprendra, cela va également représenter pour l’entreprise un risque et un coût. On devra probablement à nouveau engager ces freelances de confiance, à condition qu’ils soient encore disponibles. Dénicher de nouveaux talents sera une opération longue et coûteuse. Le risque que l’organisation rencontre des difficultés lors de sa relance post-crise est donc bien réel.
Les freelances n’appartiennent pas à la couche flexible !
Nous connaissons le modèle organisationnel où 80 % des collaborateurs sont inscrits sur le payroll et 20 % sont des externes. Ce modèle remonte aux années 90, et ces 20 % de talents externes étaient des travailleurs intérimaires. Souvent, il s’agissait de talents moyennement qualifiés affectés à des tâches exécutives.
Selon le récent rapport Freelancer Focus (octobre 2019) d’UNIZO, il existe en Flandre et à Bruxelles 166.000 freelances actifs, et selon le rapport SERV de 2017, plus de 210.000 freelances occupés en Belgique. Les deux études s’accordent à dire que le profil de la grande majorité de ces freelances est de niveau élevé à très élevé (master de spécialisation), qu’ils sont âgés entre 35 et 54 ans, et disposent d’une expertise confirmée.
Ces freelances ne sont certainement pas en poste pour effectuer des tâches exécutives, que du contraire. On sait que nombre d’entre eux assument des tâches absolument essentielles pour les entreprises. Leur pourcentage peut atteindre 40 %, ou même plus, de l’ensemble des collaborateurs d’une organisation, selon le secteur d’activité et l’expertise requise. Ce sont des experts de niche qui permettront aux entreprises de marquer la différence lorsqu’il faudra reconstituer sa clientèle après la crise du COVID-19.
Gestion globale des talents
Les organisations ont besoin d’un cadre législatif pour constituer un bon management d’engagement. Elles doivent pouvoir traiter sur un même pied d’égalité tous ceux et toutes celles qui contribuent à leur succès, que ces travailleurs soient ou non repris sur leur payroll. C’est ce qu’on désigne par la Gestion globale des talents ou Total Talent Management (TTM). Chaque talent est important, lorsque tout va bien, mais également quand ce n’est pas le cas. Et les différentes formes de contrat ne devraient être qu’un détail administratif.
Mais la législation sociale actuelle ne permet pas toujours une telle approche. Le monde du travail et l’économie qui attendent les entreprises dans l’après-coronavirus, risquent d’être plus instables. Il appartient donc à nos autorités publiques de permettre aux organisations de s’attacher chaque talent au mieux, même lorsqu’il ne figure pas sur son payroll. Les freelances n’appartiennent pas à la couche flexible !