"Exploring the future of work & the freelance economy"
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« Une organisation dynamique : la meilleure défense pour faire face avec agilité aux évolutions constantes. »

Il y a dix ans, se lancer comme jeune freelance inexpérimenté tenait de l’exploit. Françoise Peers, Procurement Digitalist, a néanmoins franchi le pas. Elle observe une évolution des mentalités au sein des entreprises.

Commencer jeune et sans grande expérience en tant que freelance aujourd’hui ne fait plus figure d’exception. Mais il y a une dizaine d’années, la situation était encore inédite, comme elle le fut pour Françoise Peers. En 2011, à 28 ans, elle a franchi le pas, au risque de se faire traiter de folle. « Je me souviens encore d’un recruteur d’une agence de grande renommée qui m’a raccompagnée en me disant : Revenez dans vingt ans, car, pour le moment, il n’y a pas de postes pour vous. »


De plus en plus d’organisations professionnalisent le recrutement de leurs collaborateurs externes. NextConomy propose donc une série d’entretiens autour du thème central “Women in Contingent Workforce’’. Ils ont pour but d’inspirer et de partager des idées avec tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin dans le recrutement de collaborateurs externes. En particulier, nous voulons montrer aux femmes qu’il existe des carrières passionnantes dans un domaine encore relativement novateur et inconnu, mais tourné vers l’avenir et d’une importance stratégique croissante pour les organisations.


Travailler et suivre des études

« Jeune diplômée, je me suis retrouvée dans le monde des télécoms. J’ai fait mes armes dans une fonction de soutien chez Mobistar. Un établissement qui déjà à l’époque – je parle de 2003 – s’était engagé à offrir des horaires de travail flexibles. Et j’ai eu beaucoup de chance, car j’ai combiné cet emploi à temps plein avec un master à l’EHSAL à Bruxelles. Je commençais chez Mobistar à 7 heures du matin, pour pouvoir m’arrêter et aller en cours à 16 heures. En dépit de cette flexibilité, ce fut une épreuve très dure, mais le résultat probant. La volonté peut soulever des montagnes ! »

Elle s’est occupée du payroll sept ans environ, d’abord chez Mobistar, puis dans une agence de conseil en télécommunications. Je voulais passer à autre chose. Mon diplôme en poche, je suis partie à la recherche de nouveaux défis.

Devenir freelance : une opportunité pour les plus de 50 ans ?

« Cela me démangeait de devenir freelance, mais ça ne courait pas les rues à l’époque. Il y en avait dans les professions conventionnelles et créatives, mais pas dans mon secteur. En 2011, le freelancing était surtout l’apanage des personnes de plus de 50 ans qui ne parvenaient plus à trouver un emploi salarié après avoir été licenciées, et qui étaient obligées de se mettre à leur compte pour les 10 ou 15 dernières années de leur carrière.

De nombreuses personnes ont pensé que j’étais folle. « Tu es trop jeune et inexpérimentée », ai-je souvent entendu. Et ce message, je l’ai aussi reçu d’une agence de recrutement renommée. « Revenez dans vingt ans. Et malgré tout, j’ai persévéré. Est-ce que je le referais ? Oui, absolument. Quelques années de travail salarié constituent certes un atout, mais je préfèrerais devenir freelance encore plus jeune. Surtout à notre époque, car un changement est clairement en train de se produire à travers le monde.

Toutefois, je ne tiens pas non plus à brosser un tableau trop idyllique de la vie de freelance : vous devez en effet sans cesse vous réinventer et investir dans vos compétences. Pour pouvoir continuer à suivre les nouvelles évolutions et tendances. Partir sur une carrière de freelance et se reposer sur ses lauriers, voilà qui risque de vous décevoir.»

Un autre regard sur les freelances

« Ces dernières années, le monde a évolué à une vitesse fulgurante. Internet a fait en sorte de rendre autonome moment et espace. Cette tendance a débouché sur une recrudescence des freelances. Mais la montée en puissance de la génération Y – qui souhaite principalement devenir « l’architecte de sa carrière » – y contribue également. Il en résulte un glissement dans la répartition des talents disponibles, puisqu’il y a une part de « gâteau » plus importante de « talents flexibles » à débusquer. Tout cela, combiné à la pénurie, oblige les organisations à faire évoluer leur mode de recrutement. Même les organisations classiques qui veulent optimiser le recrutement permanent doivent adapter leur politique, faute de quoi elles risquent de perdre un avantage concurrentiel en n’étant pas en mesure de tenir leurs engagements.

De nombreuses organisations se posent désormais la question suivante : comment combiner le télétravail et la gestion de l’afflux de tous ces talents intérimaires ? Quel est le rôle des RH, du Procurement ou des Line managers dans ce contexte ?

Il y a des organisations qui sont plus évoluées que d’autres, mais tous discutent de ces sujets au mieux de leurs aptitudes. Et c’est une bonne chose, car ignorer cette réalité a un impact presque immédiat lorsque les projets sont impossibles à réaliser en faisant appel aux talents adéquats. L’impact, en lui-même, équivaut à l’arrêt d’une chaîne de production en raison d’un manque de personnel, mais un effet beaucoup moins évident et tangible.

L’organisation (VDAB) au sein de laquelle j’effectue une mission pour le moment a mis en place une meilleure pratique en interne. Elle considère le talent externe comme un membre à part entière de l’organisation, non seulement pour la durée de sa mission, mais elle s’efforce également de lui offrir une carrière. Une décision judicieuse, dans la mesure où, en tant qu’entreprise, vous récupérez l’énergie mise à accueillir cette personne, éviterez ainsi la fuite des cerveaux et la nécessité de rechercher en permanence de nouveaux talents rares.

Le VDAB considère le talent externe comme un membre à part entière de l’organisation, non seulement pour la durée de sa mission, mais elle s’efforce également de lui offrir une carrière. Une décision judicieuse, dans la mesure où, en tant qu’entreprise, vous récupérez l’énergie mise à l’accueil, vous éviterez ainsi la fuite des cerveaux et la nécessité de rechercher en permanence de nouveaux talents rares.

Membre de l’équipe

« Au cours des quatre dernières années, j’ai également le sentiment que les freelances sont traités différemment.

Par le passé, on les considérait comme un mal nécessaire : on les prenait juste comme renfort ou pour une expertise bien particulière qu’une entreprise ne bénéficiait pas. Les gens « consommaient » le freelance et le mettaient ensuite à la porte en 2 temps 3 mouvements. Personne « extérieure », le freelance ne faisait pas partie de l’équipe, n’était pas autorisé à participer à certaines réunions et n’était pas non plus le bienvenu aux activités du groupe.

Il en va autrement aujourd’hui, heureusement. Les freelances font déjà davantage partie de l’équipe, sont plus appréciés et considérés comme des facilitateurs, contributeurs et surtout des partenaires. Un lien délicat se noue. »

À l’avenir, cette évolution va encore progresser, sous l’influence d’un certain nombre de facteurs :

  • changement de génération : la génération Z succède à la génération Y. Les talents numériques sont encore plus exigeants que les précédents et veulent avoir un contrôle maximum sur le déroulement et l’organisation de leur vie : ‘anytime anywhere’. Le lieu et le moment comptent plus pour eux que l’argent déposé sur leur compte.
  • blockchain : aujourd’hui, les talents externes sont proposés via des « courtiers en RH » (c’est-à-dire des parties intermédiaires). Nous constatons dans divers secteurs que les strates et les liens intermédiaires sont éliminés dès que l’on se rend compte qu’ils n’ont plus de valeur ajoutée. Parfois, c’est encore le cas, mais je pense que dans le cas contraire, la technologie des plateformes, où les RH et les candidats peuvent entrer en contact direct, risque de créer des remous dans un avenir proche.
  • coronavirus : la pandémie a favorisé et accéléré le travail hybride et une mutation des talents. Durant la crise, nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur le sens ou le manque de sens de leur travail, mais aussi sur le fait de perdre à bon escient ou pas du temps chaque jour dans les embouteillages.

« Nous pouvons affirmer que la “war for talent” est plus acharnée que jamais et que les talents externes représentent dans de nombreux cas une solution. Les entreprises qui étaient auparavant réticentes à l’idée de recruter à l’extérieur ont maintenant, du fait de cette crise, un avant-goût de ce mode de recrutement et en verront peut-être les avantages. »

Adapter sa vision

« Mais il reste certainement encore du travail à accomplir. Les entreprises doivent adapter leur vision en matière de politique et de propriété et impliquer toutes les instances de gestion dans ce processus. Parce que le recrutement de talents externes affecte tous les niveaux de management de l’entreprise. C’est une histoire d’entreprise. Des questions incontournables doivent être posées :

  • quel est l’intérêt de faire appel à une personne externe ?
  • quelle est la mission de ce talent et le résultat souhaité ?
  • quels instruments de travail donnons-nous à ces talents ?
  • qui doit faire quoi lorsque la mission est terminée ?
  • qui détermine si le niveau de performance est acceptable ?

Le recrutement de talents externes affecte tous les niveaux de management de l’entreprise.

« Niveau de la direction, RH, IT, business… tout le monde participe à cette nouvelle ère. Il ne s’agit pas d’une « patate chaude » qu’envoie une direction à une autre, mais d’une opportunité fantastique que chaque organisation doit saisir et bien encadrer. Et pas d’une affaire de permanent vs intérimaire, mais d’une histoire de talents intégrés qui veille à ce que la stratégie soit exécutée avec les talents adéquats. Autrement, quoi ? La « chaîne de production des projets stratégiques » s’arrêtera et la concurrence repartira avec des parts de marché non exploitées.

Une organisation dynamique est la meilleure défense pour faire face avec agilité aux évolutions constantes (perturbantes). »


Biographie

Françoise Peers a fait ses premiers pas professionnels dans le monde des télécommunications. Durant sept ans environ, d’abord chez Mobistar, au payroll puis au Procurement. Freelance depuis 2011, elle aide les entreprises et leurs divisions à se numériser davantage et à gagner en maturité, afin qu’elles puissent être dans les meilleures conditions en interne pour conquérir le marché ou mettre en œuvre une stratégie.

Françoise a obtenu sa maîtrise en sciences commerciales en 2011 et se forme depuis en permanence pour suivre les dernières tendances de son secteur. Et elle a poursuivi des formations dans les domaines suivants : Project Management, Procesmanagement, Change Management, Performance Management, Digital business Management, Business Analyse…