"Exploring the future of work & the freelance economy"
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Going Freelance

Talent economy : des freelances qui ont fait le choix de l’être et qui ne subissent pas leur statut

Samuel Durand, un des initiateurs du projet Going Freelance, a fait le tour du monde freelance en 180 jours à travers une dizaine de villes. Si ce voyage a été réalisé avant le début de l’épidémie, les enseignements sont plus actuels que jamais. Retour sur un voyage pas comme les autres et les 101 rencontres de Samuel.

Quand vous parlez de freelance, vous faites la distinction entre « talent economy » et « gig economy ». Qu’est-ce qu’un freelance pour vous ?
Pour notre projet, nous avons choisi un cadre précis. On a gardé les freelances de ce que l’on appelle la « talent economy », des freelances qui ont fait le choix de l’être et qui ne subissent pas leur statut. Et dans le contexte de guerre de compétences, ce sont ceux-là que les entreprises vont essayer d’attirer. Ceux de la gig economy sont souvent des freelances qui subissent leur statut, qui n’ont pas forcément envie de l’être et qui aimeraient souvent avoir un autre emploi. Ils n’ont pas forcément de vision à long terme, ont du mal à avoir des missions et sont prêts à accepter n’importe quoi. Ils ne sont pas forcément épanouis. On pense notamment aux livreurs à vélo, aux chauffeurs même si ce n’est pas limité à cela. Cela peut tout aussi bien être des développeurs, des community managers, des rédacteurs. Un freelance doit avoir plusieurs casquettes : gestion de sa communication, de son marketing, négociation, prospection… Tout l’enjeu est d’accompagner les freelances de la gig economy pour les faire aller vers la talent economy. C’est volontairement polarisé et il y a forcément une zone grise entre les deux. C’est pour schématiser le cheminement qu’un freelance pourrait avoir.

D’après vos observations, qu’est-ce qui a provoqué l’explosion du freelance ?
Le freelancing s’est construit par opposition au salariat et pour comprendre la vague d’indépendants que l’on connait depuis dix à quinze ans, il faut revenir à ce salariat. Tout au long du XXe siècle, la société a été dominée par celui-ci. C’était une situation confortable avec un bon package, une sécurité d’emploi et financière… tout cela contre un travail morcelé avec l’espoir d’évolution, de promotion et de nouvelle amélioration de la situation personnelle. C’était quelque chose de rassurant… mais il s’est érodé et dégradé à la fin du siècle. Mondialisation, délocalisation, perte d’emplois, concurrence au niveau mondial : le salariat a moins attiré et d’autres voies sont apparues. Il y a eu une quête de sens et d’autres manières d’avoir une bonne situation sans forcément être employé. Le freelance a été l’une de ces solutions.

Quel exemple retenez-vous de votre tour du monde du freelancing ?
J’ai été étonné par le marché au Royaume-Uni, l’un des plus avancés d’Europe où un freelance n’a pas forcément les mêmes difficultés pour emprunter, avoir un appartement. Il n’est pas forcément considéré comme quelqu’un qui subit son statut, c’est assez normalisé et bien perçu, contrairement à la France par exemple. Ensuite, j’ai aussi vu à San Francisco des entreprises qui n’ont pas de bureau et qui ne travaillent qu’avec des télétravailleurs. J’en connaissais de 10-15 travailleurs mais là ils étaient jusqu’à 800 ou 900. J’ai été impressionné par leur capacité à créer une culture d’entreprise et gérer des centaines de personnes dans plusieurs pays et malgré des fuseaux horaires différents !

Quelles ont été vos plus grandes observations au niveau des clients ?
Avant de partir, j’imaginais qu’on allait rencontrer des entreprises qui étaient habituées à travailler avec des freelances dans les marchés les plus matures, comme aux USA et au Royaume-Uni. On s’est rendu compte que ce n’était pas une question de maturité de marché, mais de l’investissement d’une seule personne dans une entreprise. Quelqu’un qui s’est dit qu’il ou elle allait mener la transformation, créer des processus, implémenter la venue des freelances. Car les entreprises ont souvent du mal à savoir s’ils doivent faire appel à un freelance et où ils peuvent en trouver. Il y a tellement de plateformes et de cabinets de recrutement. Elles ont aussi souvent du mal à définir leurs besoins et le briefing de la mission.

Une personne qui se charge de cela dans l’entreprise peut faire la différence ? Une espèce de Chief Freelance Officer ?
Dans toutes les entreprises qui ont efficacement intégré une stratégie de collaboration avec les freelances, il y a en effet une personne qui endosse ce rôle, peu importe le titre. On peut voir cette personne comme un architecte du changement qui va designer les processus concernant les freelances : onboard, outboard, communication. Un employé qui va connaitre les différents viviers de talents et qui servira de référent interne aux chefs de projets qui vont eux-mêmes recruter les freelances. Car ce sont eux qui vont travailler au quotidien avec les indépendants.

Vous avez aussi une proposition par rapport au statut du freelance. Lui laisser le libre choix des services en matière de protection sociale. Vous pouvez en dire plus ?
Ce n’est pas en rentrant les freelances dans une espèce de cadre qu’ils essaient de fuir que cela va fonctionner. Quand la justice veut régler un problème de travailleur de plateforme, elle essaie de le requalifier en problème de salarié. Ce n’est pas une solution car la majorité des freelances veulent le rester et ont envie de liberté. L’idée serait donc de leur laisser le choix du niveau de protection sociale. On pourrait avoir plus ou moins de protection sociale à différents niveaux. Certains pourraient avoir envie de cotiser pour des allocations de chômage ou une protection en cas d’invalidité. Et d’autres pas.