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Katleen Daems : ‘La valeur ajoutée d’une workforce externe est énorme’

Quelle est la capacité d’une workforce externe et qu’est-ce qui entrave une approche intégrale ? Katleen Daems nous fait part de sa conception

Katleen Daems est l’une des quatre femmes membres du comité de direction de Luminus, qui compte onze membres au total. En tant que Corporate HR Director, elle est depuis près de six ans responsable de la stratégie RH du fournisseur d’énergie.  Tout en restant attentive aux différents thèmes RH inscrits à son agenda, Katleen Daems s’est forgée une vision RH intégrale, où les talents sont le point de départ qui domine les formes de travail. Bien que l’élaboration d’une stratégie intégrale d’une ‘contingent workforce’ soit encore en pratique un pas qui reste à franchir.

Collaborez-vous structurellement avec des externes ? Quel est le rapport entre la workforce externe et la proportion de collaborateurs fixes ?

Katleen Daems : « Nous avons un nombre assez important d’externes au sein de notre effectif. Ce nombre a régulièrement augmenté au cours de ces dernières années. Une tendance qui d’après moi coïncide avec le besoin de flexibilité à laquelle aspirent beaucoup de travailleurs. Une évolution que l’on ressent de plus en plus. C’est ainsi que je vois des personnes qui ont longtemps travaillé dans un environnement corporate, changer de cap. Une progression qui, à mon avis, a du sens, si l’on veut garder les personnes plus longtemps dans son milieu de travail. Nous avons environ 2.000 personnes inscrites sur le payroll, et j’estime qu’il faut encore compter un tiers de ce nombre pour les collaborateurs externes. Il ne s’agit pas de chiffres exacts, car le nombre de responsables faisant appel à des sous-traitants est variable. Et nous n’avons pas ici d’informations suffisantes. »

 


À propos de Katleen Daems

Katleen Daems réside et travaille à Bruxelles. Elle a choisi d’habiter à proximité de son entreprise et d’ainsi limiter autant que possible les temps de trajet. Du temps qu’elle peut consacrer à l’un de ses projets professionnels et à sa famille. En plus de son rôle d’HR Director, elle soutient l’asbl FIX, un projet d’expérience de travail dans le secteur du bâtiment à Bruxelles, qui permet de suivre des formations techniques et des cours de néerlandais. Après environ deux ans, ces travailleurs vont rapidement avoir accès à un des nombreux métiers du secteur de la construction. Un projet qui lui tient à cœur. Katleen Daems siège également depuis peu comme magistrat au Tribunal du travail néerlandophone de Bruxelles, où elle peut exprimer son engagement social en tant que juriste, ce qu’elle affectionne particulièrement. Comment Katleen Daems concilie-t-elle tous ses rôles, et peut-elle de surcroît s’occuper de ses deux adolescents ? Avec une bonne dose de discipline personnelle. « De plus, mes années d’expérience m’aident à prioriser les choses et à les traiter avec célérité ». Dont acte.


 

Quand préférez-vous engager des externes plutôt que des collaborateurs fixes ?

Katleen Daems : « En premier lieu, nous déployons les externes en mode ‘bodyshopping’ lorsqu’il existe un besoin urgent mais temporaire de talents. L’externe effectuera sa mission avec l’enthousiasme et l’engagement d’un collaborateur fixe. En second lieu, pour certaines fonctions, lorsque les compétences requises sont en dehors de notre core business, le choix stratégique sera d’utiliser les services d’une firme extérieure. Une tierce partie va dans un tel cas posséder un meilleur know-how et faire preuve de plus de flexibilité. Comme souvent, l’IT, Facility et Fleet sont en tête de liste. Nous externalisons également le recrutement. Nous avons constaté qu’une expertise de plus en plus pointue s’avère nécessaire. Mais comment s’adresser à la jeune génération ? Le recrutement a de plus en plus trait au numérique, et vous devez maîtriser les médias sociaux. En outre, le volume de postes vacants varie, de sorte que vous devez être en mesure de réagir rapidement. Au niveau de nos filiales, nous constatons également une forte représentation d’une workforce externe. Cela s’explique bien souvent par le manque de techniciens pouvant être engagés comme collaborateurs fixes. Si nous ne résolvons pas cette situation avec des externes, nous risquons des problèmes de capacité qui peuvent entraver notre croissance. »

Nous externalisons également le recrutement. Nous avons constaté que dans ce cas, une expertise de plus en plus pointue s’avère nécessaire.

Où en êtes-vous dans l’élaboration d’une stratégie intégrale pour votre contingent workforce ?

Katleen Daems : « Je suis moi-même convaincue d’une approche intégrale des talents et de l’énorme valeur ajoutée que représente une workforce externe. Je pense également que nous devons assurer le contact avec les talents externes et les suivre. Bien souvent, ces travailleurs se développent professionnellement avec votre organisation. Il est donc important de garder le contact entre les missions. Mais nous n’appliquons pas encore une politique à travers laquelle chaque talent se voit proposer le contrat fixe ou le contrat flexible qui lui convient. »

Quel est dès lors le plus grand défi ?

Katleen Daems : « Tout d’abord, certaines restrictions légales rendent une telle mise en place relativement complexe. Il s’agit surtout d’éviter le faux travail indépendant. Les collaborateurs externes ne peuvent pas être enregistrés dans nos bases de données et ne peuvent pas être reconnus comme des collaborateurs, ce qui rend leur suivi difficile. Le cadre juridique limite donc un nouveau type d’approche de la contingent workforce. Les pouvoirs publics surveillent le faux travail indépendant de près. Ce qui est très compréhensible si l’on se met du côté des pouvoirs publics. Plus il y a de travailleurs indépendants, moins les pouvoirs publics perçoivent de revenus en provenance du précompte professionnel. De plus, les organisations syndicales n’ont que peu d’emprise sur les externes, ce qui tend à gêner la culture syndicale. Si nous engageons des externes, nous devons argumenter notre décision vis-à-vis des représentants syndicaux. »

Quelles sont les plus prochaines priorités des RH ?

Katleen Daems : « Luminus est une entreprise en pleine transformation, et nous avons un rôle important à jouer dans le développement durable. Avec les RH, je veux y contribuer d’une façon positive. Nous avons déjà repensé le changement de culture, en amenant une culture positive. Nous sommes résolument engagés dans la voie de l’innovation. Trouver les meilleures solutions pour nos clients est en soi un défi constant que Luminus se doit de relever. C’est pourquoi nous encourageons vivement la créativité auprès de notre personnel. Se réinventer sans relâche est l’état d’esprit que nous recherchons. La politique de mobilité est un bon exemple de la façon dont nous mettons en pratique nos principes de durabilité, et de celle dont nous nous efforçons de faire évoluer les mentalités. Nous voulons faire la transition vers un parc de véhicules électriques, mais plus important encore, nous aimerions que les personnes renoncent à leur voiture. Pour ce faire, nous encourageons les alternatives telles que les transports publics, le vélo ou d’autres solutions. »

Les tendances progressent socialement, mais comment abordez-vous cette mutation au niveau de l’entreprise ?

Katleen Daems : « Il s’agit d’abord d’un travail d’évangélisation. Nous tentons d’inculquer aux personnes le fait que c’est réalisable. Nous ne manquons aucune occasion de mettre en avant la mobilité. Nous appelons les personnes à réfléchir aux alternatives, et nous les aidons à sauter l’obstacle. Personnellement, cela fait deux ans que j’ai abandonné la voiture pour venir au boulot. Depuis, l’ensemble du comité de direction a opéré ce changement. Donc, le fait de porter un beau costume comme étant l’argument pour ne pas utiliser le vélo ne tient pas, lorsque vous savez que votre CEO a contourné le problème. Mais s’adapter n’est pas toujours si évident. Pour moi aussi, il s’agissait d’une première, et nous y avons réfléchi en famille. Nous avons remarqué qu’en parler directement avec les collègues contribue clairement à vouloir s’associer à cette vision. Le projet de mobilité n’est qu’un des nombreux projets sur lesquels nous planchons. Je me suis fixée comme priorité d’apporter du plus à Luminus et de permettre aux collaborateurs de se sentir le mieux possible au travail. »

D’après mon vécu de femme, saisir des opportunités professionnelles enrichit votre vie, mais enrichit également – et c’est probablement encore plus important – le fonctionnement de votre organisation.

En quoi consiste votre mission en vue de l’avenir ?

Katleen Daems : « C’est le message que j’aimerais transmettre grâce à cette interview. Quand j’ai l’occasion de dire aux femmes qu’elles peuvent construire leur carrière et briser le plafond de verre, je dis présente. Sans adopter pour autant une quelconque approche féministe. Je pense qu’il est essentiel d’encourager les femmes qui ont un objectif de carrière, et de leur offrir des perspectives. Nombreuses sont encore les femmes qui ont à l’esprit un parcours de carrière à embûches. Je crois, je sais qu’il y a des tas d’opportunités, mais à cause de ces embûches, elles ne sont pas saisies. Je sais par expérience que la combinaison famille et carrière est parfaitement possible, à condition de bien s’organiser. Et en Belgique, nous avons toutes les chances de notre côté. Il faut changer l’angle de vue des embûches. D’après mon vécu de femme, saisir des opportunités professionnelles enrichit votre vie, mais enrichit également – et c’est probablement encore plus important – le fonctionnement de votre organisation. Restons réalistes, car un comité de direction composé uniquement d’hommes qui travaillent de 8h du matin à 8h du soir, va fonctionner différemment par rapport à un comité de direction composé d’hommes et de femmes qui, entre autres, veulent maintenir un bon équilibre profession-vie privée. Et cela va imprégner toute l’organisation. »

Donc, vous nous dites que c’est un devoir social pour les femmes qui ont de l’ambition professionnelle de profiter pleinement de toutes les opportunités.

Katleen Daems : « L’arrivée des femmes dans le comité de direction de Luminus a permis de créer une autre dynamique ; c’est ce que me confirment mes collègues du conseil de direction et influe sur l’ensemble de l’organisation.

En guise de conclusion. Avez-vous songé à épouser dans l’avenir une carrière d’indépendante ?

Katleen Daems : « Je ne l’exclus pas. Un jour peut-être. »