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Sofie Cabus : « On mise encore trop peu sur l’apprentissage autonome »

L’enseignement prépare-t-il à entamer une carrière sur l’actuel marché du travail ? Les jeunes gens apprennent-ils aujourd’hui ce dont ils auront besoin pour réussir sur un marché du travail en constante mutation ? Ces questions sous le bras, NextConomy s’est adressée à l’HIVA, l’institut de recherche sur le travail et la société de la KU Leuven.

Avec ses recherches sur l’apprentissage permanent, Sofie Cabus, qui fait partie de l’HIVA, se place à la croisée des chemins de l’enseignement et du marché du travail. Au cours de ces dernières années, Sofie Cabus s’est consacrée au projet Horizon 2020 – Enliven, soutenu par la Commission européenne. Elle a notamment cherché à savoir ce qui amenait telle personne à faire de l’apprentissage permanent, et telle autre pas.

Size matters

Il semble que la taille de l’entreprise soit un facteur déterminant. Cela va dépendre de deux éléments. « En premier lieu, la solidité financière de l’entreprise : plus la taille de l’entreprise est importante, plus sa solidité financière est généralement importante », affirme-t-elle. « Les freelances sans personnel et les microentreprises (avec max. 5 travailleurs) disposent de moins de moyens financiers, et vont donc moins investir dans le processus d’apprentissage permanent. » Ensuite, il existe également un seuil très concret : plus l’entreprise est de taille réduite, plus il est difficile d’organiser le travail en l’absence d’un collaborateur parti en formation. Dans un cas extrême : qui va pouvoir faire le travail du freelance provisoirement étudiant ?

Les recherches menées par Sofie Cabus montrent également que les travailleurs des grandes entreprises apprennent nettement plus que ceux des microentreprises. « La crise financière et la récession de 2012-2013 ont incité de nombreux freelances ICT à passer d’une activité d’indépendant ou de microentreprise à un emploi fixe dans une entreprise plus importante », a-t-elle constaté. « Nous voyons que ces personnes ont pu participer à de l’apprentissage permanent grâce à leur transfert d’une microentreprise vers une grande entreprise. Il est clair que la taille de l’entreprise importe grandement lorsqu’on projette de faire de l’apprentissage permanent. »

Apprendre fait partie du job

« Le secteur dans lequel vous travaillez, et cela vaut pour les freelances, a également son importance », poursuit Sofie Cabus. « Prenons le secteur de l’ICT : l’apprentissage permanent fait partie intégrante de la carrière. Si par exemple vous développez un site web et que vous n’avez pas connaissance d’une commande particulière, mais que vous cherchez à bien la connaître, vous faites de l’apprentissage permanent », illustre-t-elle. Les professionnels de l’ICT, tout comme les freelances, ont du reste des facilités pour apprendre de façon informelle dans le cadre de leur travail.

« Mais si nous examinons le secteur des soins personnels et celui des services, nous constatons qu’il y a nettement moins de personnes qui doivent se recycler ou compléter leur formation sur le long terme, car ces secteurs ne sont pas spécialement prompts au changement. L’objectif de l’apprentissage permanent dans ces secteurs ne correspond pas à celui de professionnels de l’ICT. »

Le niveau d’études est également un facteur déterminant : les personnes hautement diplômées vont plus volontiers s’engager dans l’apprentissage permanent.

Un bon enseignement pousse à apprendre

L’envie d’apprendre dépend dans une large mesure de sa propre expérimentation des études. Les recherches menées par Sofie Cabus ont montré qu’une spécialisation acquise après l’enseignement secondaire – concrètement, le premier cycle universitaire au sens large – prédisposait à l’apprentissage permanent. « De plus, il semble bien que le goût des études est une condition de base pour poursuivre un enseignement ou une formation en tant qu’adulte. Ce goût des études peut se réduire si, par exemple, on est professionnellement bloqué ou si un diplôme d’enseignement secondaire général ne vous sert pas. Ces situations rendent les gens plus fébriles vis-à-vis de la formation. »

Mais l’envie de formation détermine également si une personne sait faire preuve d’initiative sur un marché du travail où non seulement les freelances doivent «s’autopropulser», mais aussi où les travailleurs reçoivent à répétition le message qu’ils ont le ‘volant en mains’ et qu’ils doivent faire preuve de ‘leadership personnel’. Nous sommes à une époque où chacun est censé être un intra-entrepreneur ou du moins un entrepreneur. « Il est encore trop peu investi dans l’apprentissage autonome, attitude adoptée par les chercheurs. Mais je pense vraiment que la réforme de l’enseignement version 2019, avec le premier degré de formation de base de l’enseignement secondaire, est prometteuse. Et aussi le double apprentissage, grâce auquel les jeunes apprennent relativement tôt à combiner l’école et le travail. »

Compétences STEM

Et si Sofie Cabus était en charge d’adapter davantage l’enseignement aux réalités du marché du travail ? « Il y a différents éléments sur lesquels on peut se pencher. La numérisation et l’Industrie 4.0 permettent d’investir davantage dans l’enseignement des disciplines STEM. Et je pense ici au manque de jeunes filles qui s’engagent dans ces directions ». Telle serait le sens de sa proposition. « L’enseignement des disciplines STEM permettra à ces étudiants et étudiantes d’acquérir des compétences en recherche et d’avoir toutes les chances de trouver un emploi. Mais cette voie peut aussi leur offrir une expérience plus positive des études, ce qui ne peut qu’accroître leur goût à l’apprentissage permanent. Plus tard, nous nous spécialiserons dès l’enseignement secondaire, et serons plus encore dans l’idée de franchir ensemble la ligne d’arrivée dès le secondaire, ce qui peut être une évolution bénéfique pour notre enseignement. »

Freelance journalist. Doet van horen, zien en schrijven over o.a. HR en de arbeidsmarkt. Voir tous les articles de Timothy Vermeir