Marianne Thyssen, commissaire européenne: « Un système social solide est bon pour l’économie »
La discussion sur la nature exacte d’un indépendant ne se déchaîne pas qu’aux Belgique. Au niveau européen, on cherche également une définition conforme. Et l’on se penche aussi sur la question de savoir quelle forme donner à un système social, pour les personnes en activité.
« Nous ne savons pas ralentir la vitesse des changements sur le marché du travail. Mais nous devons nous assurer que personne ne soit laissé pour compte. »
En tous cas, la commissaire européenne Marianne Thyssen avait envoyé un message clair lors d’une réunion organisée à Bruxelles par la World Employment Confederation (WEC), l’association des organisations interprofessionnelles nationales, pour le secteur du travail flexible, que représente Federgon.
« Nous devons rester vigilants sur le fait que toutes les personnes actives, y compris les indépendants, doivent être en mesure de s’assurer en cas d’incapacité, de se construire une pension et de pouvoir continuer à se former. Les nouvelles façons de travailler demandent une modernisation des règles et des droits sociaux. Que des accords formels pris par l’intermédiaire de plates-formes numériques viennent à expiration, demande d’avoir des réponses pour protéger ceux qui utilisent ce genre de plates-formes.
Bâtir des ponts
L’évolution du marché du travail, et les conséquences sociales que cela entraîne, fait partie, selon Thyssen, du ‘Semestre européen’, un cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l’UE. « Un nouveau système de droits sociaux n’est pas un obstacle pour la compétition et la concurrence, comme certains le suggèrent. Au contraire. Une économie solide et compétitive ne peut que profiter à un système social solide.
Selon la commissaire européenne, les entreprises actives dans le secteur du travail flexible peuvent devenir des pionniers pour apporter des réponses aux questions que pose le nouveau marché du travail. « Nous devons bâtir des ponts, rapprocher les principes et la politique, et passer à l’action », déclare-t-elle. Selon la commissaire, une meilleure collaboration entre les autorités et les fédérations s’avère nécessaire.
Défis
L’appel lancé au secteur du travail flexible afin qu’il joue un rôle, n’a bien sûr pas échappé à Denis Pennel de la WEC. Dans son livre blanc sur ’The Future of Work’, Pennel explique comment la WEC perçoit ce monde du travail en mutation, ainsi que les opportunités et les obstacles qui y sont décelés. Les changements sont suralimentés par l’environnement VUCA actuel (volatil, incertain, complexe et ambigu), la mondialisation, l’individualisation, l’open source et la numérisation.
Ces changements mènent à une nouvelle biodiversité, comme l’indique Pennel. « Une diversité croissante de personnes, d’écosystèmes et de manières de travailler ». Selon Pennel, la diversité et le libre choix des travailleurs doivent être le point de départ de la refonte des règles du marché du travail. « Nous avons dépassé le stade du ’gagnant qui prend tout’. Retrouver un nouvel équilibre est nécessaire. »
Selon Pennel, il existe un besoin manifeste de modification des règles et du droit social. Il voit cependant quelques enjeux, comme par exemple les règles de sécurité, la formation, l’employabilité et les assurances sociales pour l’ensemble des travailleurs. Il relève aussi le problème de la ‘classification‘, ou : comment définir les nouvelles catégories de travailleurs. « Nous devons protéger les travailleurs, pas les emplois » comme l’a déclaré la Présidente de la WEC Annemarie Muntz.
Indépendants
La question de la définition mise en avant par Pennel est régulièrement revenue sur la table au cours de la rencontre. Car que sont en fait les ’indépendants’ ? Un débat qui a lieu dans plusieurs pays. Sur le plan européen, on évoque la possibilité d’une nouvelle définition de la petite entreprise. Avec l’option plausible, en marge des collaborateurs et entrepreneurs (classiques), de créer un espace pour une troisième catégorie : les travailleurs indépendants.
Denis Maessen, président de l’EFIP (l’European Forum of Independent Professionals, duquel Fedipro est également membre), suit ce débat avec une très grande attention. « Les nouvelles règles de l’UE doivent protéger les plus faibles, mais ne doivent pas entraver les indépendants talentueux » dit-il.
Maessen s’inquiète à cet égard que l’on considère trop les indépendants d’une façon générique. « Il existe tant d’éléments qui démontre la diversité que présente ce groupe. Chaque politique doit en tenir compte. »
Maessen plaide pour une approche plus économique que sociale des problématiques actuelles qui concernent les indépendants. « Demandez par exemple aux indépendants qui génèrent un trop faible chiffre d’affaires s’ils n’ont pas besoin de plus de support pour pouvoir se relancer. Ou s’ils veulent avoir recours au filet de sécurité social. Et s’ils ne veulent pas de cette aide… c’est très bien ! »
La Commission européenne mise fortement sur son agenda social, notamment pour répondre au mécontentement de ses citoyens. Étendre cet agenda aux règles et accords européens concernant les travailleurs indépendants a été jugé par certains experts comme infaisable. Un modèle de flex-sécurité comme celui du Danemark n’est pas à reproduire tel quel. Le droit du travail actuel et les règles budgétaires entre les pays sont tout simplement beaucoup trop diversifiés.
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