"Exploring the future of work & the freelance economy"
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Chacun son rythme

Dans le cadre du tournage du documentaire Work in Progress, j’ai interviewé Louise Racine, dont le parcours professionnel et les choix forts qu’elle a fait m’ont inspiré la thématique de cet article.

Adapter son travail à sa vie

Après une carrière d’une dizaine d’années en marketing digital et médias sociaux, des plus grandes agences aux entreprises convoitées, Louise devient freelance. Elle choisit un moment bien particulier pour opérer cette transition qui reflète les enjeux d’une telle décision : sa grossesse.

Louise quitte l’entreprise pour tenter l’aventure de l’indépendance avec l’envie de se créer un rythme de travail qui s’adapte à sa vie et non pas une vie qui s’adapte à son travail.

Alors que le premier enfant est souvent lié à une recherche de stabilité professionnelle qui se matérialise par un CDI, Louise fait le chemin inverse. Elle est confiante, et l’avenir lui a très largement donné raison, qu’avec son expérience et son réseau, le freelancing ne sera pas synonyme de précarité mais de flexibilité seulement.


Un rythme de travail qui s’adapte à sa vie et non pas une vie qui s’adapte à son travail


Son nouveau fonctionnement lui laisse la liberté d’adopter un rythme de travail différent avec des temps de travail plus courts, mais mieux répartis sur la semaine ce qui lui permet à la fois de ne travailler qu’aux moments où elle se sent la plus productive et de profiter de bien plus de temps de vie personnelle.

Au-delà d’un meilleur rythme de travail, Louise a gagné la possibilité de choisir les projets dans lesquels elle souhaite s’investir et les personnes avec lesquelles elle collabore. Cerise sur le gâteau, elle gagne mieux sa vie que lorsqu’elle était salariée ! Elle a profité de son indépendance pour cofonder le collectif Lookoom, une alternative au modèle des agences.

Le quotidien de Louise n’est pas celui d’une majorité de travailleurs, elle a la chance d’avoir une activité qui peut être effectuée depuis n’importe où et n’est pas délimité par des horaires précis. En revanche, cette envie d’adapter son travail à sa vie n’est pas réservée aux indépendants et créateurs de contenus, cette autonomie devrait être généralisée à tous les statuts dès lors que le fonctionnement en mode projet est possible.


Cette envie d’adapter son travail à sa vie n’est pas réservée aux indépendants et créateurs de contenus, cette autonomie devrait être généralisée à tous les statuts


Libérer le travail de sa contrainte temps

Le temps de travail était un excellent indicateur pour mesurer la productivité et gérer les relations employé-employeur au siècle passé lorsque les usines tournaient au rythme des pointeuses. Aujourd’hui le temps de travail est un indicateur médiocre et devient même secondaire puisque la logique de présentéisme n’a pas de sens dans les métiers de la connaissance. C’est l’atteinte d’objectifs qui devrait être valorisée et servir d’indicateur, bien plus que les horaires de présence au bureau (ou de connexion à distance.) Le pire étant les logiciels de contrôles de l’activité à distance qui nient toute relation de confiance.


Aujourd’hui le temps de travail est un indicateur médiocre et devient même secondaire puisque la logique de présentéisme n’a pas de sens dans les métiers de la connaissance.


En ce sens, les indépendants comme Louise sont précurseurs car ils ouvrent la voie à une transformation du travail qui concerne tous les statuts. En montrant que les projets peuvent s’effectuer efficacement en dehors d’un cadre de travail imposé, ils donnent raison à la flexibilité caractéristique du quotidien des freelances. Cette flexibilité a parfois été découverte, par défaut, dans le salariat pendant le confinement et a largement prouvé qu’elle fonctionnait ! Cela ne veut pas dire qu’il faut en finir avec le bureau ou avec les relations subordonnées en revanche cela montre que dès que possible, il est préférable d’instaurer une relation de confiance, de responsabiliser ses collaborateurs et de miser sur leur autonomie plus que sur le contrôle afin d’atteindre les objectifs fixés. Bien sûr, par leurs natures, certaines tâches ne peuvent être effectuées en dehors de certains moments bien précis, mais le mode projet s’applique à de plus en plus de missions et seul le management fondé sur le présentéisme hérité d’une autre époque l’empêche de se libérer de ce carcan.

Il est généralement admis que les indépendants affichent leurs tarifs en taux journalier, on parle de TJM. Moi-même j’en ai un dont je me sers afin d’estimer le prix d’un projet à partir du temps que j’imagine y consacrer, en revanche dans mes discussions avec les clients, je vends toujours mes prestations au forfait.

Parfois, écrire un article me prends jusqu’à une journée complète, entre les recherches, l’écriture et la relecture. A d’autres moments, la rédaction d’un article ne me prend que deux heures, pourtant ces deux articles sont facturés le même prix, le client achète un livrable, pas mon temps passé. Le temps que je consacre à chaque projet est personnel et dépend de mes connaissances sur le sujet, des notes que j’ai pu prendre sur des contenus connexes et de mon efficacité du jour. Libre à moi de produire comme une machine ou d’avancer comme une limace tant que j’atteins les objectifs fixés avec mon client.

Libérer le travail de sa contrainte temps c’est aussi reconnaître et valoriser les différents rythmes biologiques qui font la singularité de chaque individu. Certains sont du matin, d’autres du soir et nous ne pouvons pas attendre d’autrui qu’il soit productif au même moment de la journée que soi.


Libérer le travail de sa contrainte temps c’est aussi reconnaître et valoriser les différents rythmes biologiques qui font la singularité de chaque individu.


Ma copine est en très grande forme le matin et peut travailler à fond dès 7h, en revanche rien ne sert d’ouvrir un bouquin après 21h (elle étudie la médecine), c’est du temps perdu, son cerveau n’enregistre rien. De mon côté je n’ai aucun intérêt à commencer à travailler avant 9h, mon cerveau n’est pas en état de fonctionner, par contre je suis extrêmement productif après 21h et parfois jusqu’au milieu de la nuit !

Enfin, libérer le travail de la contrainte temps permet de prendre en compte les envies et impératifs de chacun afin d’assurer un meilleur équilibre sur le long terme. Il peut s’agir d’un rythme choisi pour assouvir une passion. Ces dernières années j’ai par exemple profité d’être à Grenoble pour travailler beaucoup le week end mais seulement une ou deux heures certains jours de la semaine pour aller skier lorsque les conditions étaient les meilleures, qu’il y avait moins de monde et que les forfaits étaient les moins chers.

Lorsqu’il ne s’agit pas d’une passion, un rythme de travail souple peut s’adapter aux contraintes liées à l’éducation de ses enfants ou encore l’aide à une personne à charge …

Nos vies sont singulières et notre temps est ce dont nous disposons de plus précieux. Offrir à chacun la libre gestion de ce dernier est la meilleure marque de confiance qu’une entreprise peut offrir à ses employés. Les freelances ont ouvert la voie, suivons-les !

Cet article a initialement été publié dans la newsletter le Billet du futur.